Merry Alpern, Harry Gruyaert : Société / Spectacle

3/02 - 30/04/2022

Visite virtuelle
Au printemps 2022 la Galerie Miranda expose deux séries photographiques mythiques : Dirty Windows de Merry Alpern et TV Shots de Harry Gruyaert. Toutes deux nous font réfléchir sur la convergence, depuis les années 1960, de la vie réelle avec la vie virtuelle de l'homme, et de la marchandisation de l'expérience humaine. L'exposition emprunte son titre du célèbre manifeste la Société du Spectacle (1967) de Guy Debord, pour lequel "tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation."

Merry Alpern : Dirty Windows (1983), Shopping (1999)

Un soir de 1993, la photographe Merry Alpern rend visite à un ami qui habite un loft dans le quartier de Wall Street à Manhattan. Il l'amène à l'arrière du bâtiment où, médusée, elle découvre une toute petite fenêtre, celle des toilettes d'une boite de striptease illégale ; elle voit défiler traders en costume-cravate et danseuses en strass qui échangent baisers, argent, drogues et autre. Elle saisit son appareil photo et pendant neuf mois, jusqu'à la fermeture de la boîte, elle photographie les transactions qui s'opèrent derrière cette fenêtre sale, travaillant sans flash et avec une pellicule qui génère des images en noir et blanc granuleuses, cinématographiques. Avec ce travail, l'artiste postule en 1994 à une bourse de la National Endowment for the Arts (NEA). La bourse lui est octroyée et puis, à sa surprise, retirée : avec les artistes Andres Serrano et Barbara DeGeneviève, Alpern subit des dégat collateraux d’une bataille politique sur le financement de la culture dont les conservateurs contestent la ‘moralité’.

En 1999, suite à la série Dirty Windows, Merry Alpern produit la série Shopping, où, équipée d'une petite caméra de surveillance cachée dans son sac à main, elle flâne dans les grands magasins, les centres commerciaux et les cabines d'essayage, cherchant à capter la quête obsessionnelle - la sienne et celle des autres ‘shoppeuses’- pour l’achat parfait.
Galerie Miranda présentera pour cette exposition des tirages d'époque en édition limitée, signés, numérotés et datés par l'artiste, ainsi qu'une oeuvre unique de la série Shopping, composée de captures d'écrans de l'époque.



Harry Gruyaert, TV shots (1972)

Dans les années 1970 à Londres, Harry Gruyaert prenait des photographies d'un écran télévision déréglée:
“Au début des années 1970 je vivais à Londres et il y avait chez moi une vieille télé cathodique complètement déréglée. En jouant avec l'antenne et en bidouillant les contrôles je pouvais obtenir des couleurs délirantes. J'ai passé quelques mois devant cet écran à suivre l'actualité qui était particulièrement forte cette année-là : j'ai pu ainsi suivre les premiers vols d'Apollo et les JO de Munich, mais aussi des séries américaines et anglaises, des publicités. A l'époque, les enregistreurs n'existaient pas encore; les boutons 'pause' ou 'rewind' non plus. Aussi je me trouvais devant l'actualité, tout près de l'écran, appareil à la main, pour saisir les images à vif. Aujourd'hui je me dis que si la technologie avait été meilleure, les images n'auraient pas été aussi intéressantes, fraiches."
Ses images expérimentales et quasi abstraites de la vie quotidienne s'approchent du Pop Art et témoignent également de la façon dont des millions de personnes ont vécu des événements importants de l'époque, à travers leurs écrans télé:
"La découverte du Pop Art à New York dans les années 60 m'a appris que notre société de consommation peut être regardée autrement, avec à la fois lucidité et humour. J'ai beaucoup admiré le travail d'artistes comme Rauschenberg, Lichtenstein and Nam June Paik.... Ainsi je suis devenu une sorte de photojournaliste de chambre face à cette "société de spectacle", face à cette usine de la pensée unique.”
Lors de ses première expositions - en 1974 à la Galerie Delpire à Paris, ensuite au Centre for Fine Arts de Bruxelles et l'International Center of Photography de New York - la série iconoclaste provoque un vif débat sur la définition du photographe de presse. A l'époque la série était présentée sur de grands rouleaux de papier photographiques de 50 cm de large et accrochés cote à cote créant une grande fresque anxiogène. Ces rouleaux sont aujourd'hui dans la collection permanente du Centre Pompidou à Paris. Pour l'exposition 'Société/Spectacle', la Galerie Miranda proposera une sélection de cibachromes d'époques, uniques, et des tirages pigmentaires contemporains au grand format, en édition limitée.